***Traduction de l'article "The Least Important Place," publié 26 mai 2016 sur Four For France
Par Virginia LE BIHAN
Quand j’étais adolescente, ma famille est allée en thérapie. A l’occasion de notre première visite, le conseiller familial avait placé dans son bureau des chaises de taille et de confort variés. Lorsque nous sommes entrés, il a porté son attention sur la manière dont chaque membre de notre famille a choisi son siège. Avant qu’aucun de nous n’ait pu ouvrir la bouche, le conseiller était déjà capable d’analyser certaines dynamiques de notre famille rien qu’en observant la manière dont nous étions entré et nous étions installés. Moi par exemple, étant la plus jeune, j’ai souvent été reléguée à la table des petits ou sur une chaise pliante selon les contextes. Pour cette raison, bien que je fus la première personne à pénétrer dans son bureau, j’ai choisi le siège que j’ai perçu être le moins confortable.
Le conseiller en a pris note. Dans le chapitre 14 de l’évangile de Luc, on voit Jésus faire des observations similaires. Alors qu’il était invité dans la maison d’un Pharisien haut placé, et que les autres invités arrivaient, il remarqua comme ils entraient et prenaient les meilleures places à la table. Le maître sait reconnaître un moment d’enseignement quand il en voit un, et offrir une leçon d’étiquette, qui s’applique aux invités comme aux hôtes.
Récemment, j’ai été amenée à réfléchir à cette histoire à travers le prisme de la mission. En tant que missionnaires, nous sommes des invités. Les habitants du pays dans lequel nous nous rendons, les hôtes. Je pense que les remarques faites par Jésus en Luc sont pertinentes pour nous, primordiales même. Après avoir passé l’année dernière à étudier la productivité et la durabilité de la présence missionnaire, je décèle des connexions avec cette histoire biblique.
Le passage commence par Jésus remarquant «la manière dont les invités choisirent les places d’honneur ».
Quand j’ai lu ça, je me suis demandée « Jésus ne ferait-il pas la même observation des missionnaires arrivant sur le terrain ? » N’avons-nous pas tendance nous aussi à débarquer et à adopter des rôles de leaders ? Arrivons-nous avec un certain degré de suffisance ? Considérons-nous que ce que nous avons à offrir (l’Evangile !!!) nous donne le droit d’occuper des places d’importance et de plus grande visibilité ?
Nos motivations et notre hâte peuvent bien être saintes, mais notre manière de faire est douteuse et défaillante. Oui, nous avons reçu un appel. Oui, nous avons une mission à accomplir. Oui, nous avons un message à délivrer. Oui, nous avons une vision à offrir. Et pourtant, nous restons des invités. Et notre manière d’entrer va nécessairement impacter la façon dont notre message va être perçu.
Si nous arrivons en nous attendant à être écoutés, attendus pour répondre à un besoin, respectés, et valorisés ; si nous avons confiance dans nos ressources, nos outils, et nos objectifs, nous graviterons naturellement aux places les plus hautes. En tête de classe. Au devant de l’église. Nous serons tentés de dire à nos hôtes comment ils devraient gérer les choses, proposant des cours et des séminaires… comme si nous – les invités – devions servir le plat principal. Alors que ce n’est même pas notre maison. Pas notre fête. Pas chez nous. Alors comment devrions-nous entrer ?
« Lorsque tu es invité par quelqu’un à des noces, ne te mets pas à la meilleure place, de peur qu’il n’y ait parmi les invités une personne plus importante que toi et que celui qui vous a invité l’un et l’autre ne vienne te dire « laisse-lui la place ! » … Mais lorsque tu es invité, va te mettre à la dernière place … »
Que se passerait-il si les missionnaires arrivaient et prenaient la place la moins importante ? Pourrions-nous entrer en scène et servir ? Pourrions-nous offrir ce que nous avons en adoptant une posture plus humble ou d’égal à égal, plutôt que de manière supérieure ? Pensez à Jésus, le premier missionnaire interculturel, qui a choisi de naître dans une étable, a grandi comme un enfant quelconque, a été ministre auprès des pécheurs. Il aurait pu se positionner comme grand prêtre à la synagogue locale. Mais à la place, il a touché des lépreux, parlé à des femmes à la réputation ternie, lavé des pieds ! Je dirais que Jésus, de bien des manières, a pris la place la moins importante. Et c’est ainsi qu’il illustre la vérité de son message. Même lui est venu pour servir et non pour être servi (Marc 10 :45).
Jésus a donné un chemin exemplaire.
A mon avis, cela veut dire que moi aussi, je dois intervenir humblement, reconnaissante du privilège d’être ne serait-ce qu’invitée. Je dois me mettre en retrait, pour observer et apprendre discrètement. Ce qui ne veut pas dire attendre mon heure, jusqu’à ce que je puisse sauter dans l’arène. Ni attendre un moment de flottement dans une conversation pour enfin y prendre part et proposer mes idées. C’est mettre mes plans et mes objectifs de côté – pour un temps au moins. Observer et apprendre, c’est poser plus de questions et proposer moins de solutions.
En prenant le temps d’observer et d’apprendre, je pourrai m’émerveiller devant la sagesse et la perspicacité de mes hôtes. Je donnerai mon temps, mon énergie et mes ressources pour servir leurs projets. Je travaillerai à leur succès. Je prendrai conseil auprès d’eux. J’adopterai leur manière de faire les choses. Et c’est ainsi que je commencerai à voir les faiblesses et les défauts de mes propres plans. J’encouragerai mon hôte à me donner des retours, à m’aider à modifier, préciser, ou même abandonner certains objectifs. Jusqu’à ce que je sois invité à agir autrement, je resterai à la place la moins importante – à laver des pieds et à mourir à moimême.
Mais il y a une autre facette à cette histoire. L’hôte aussi a un rôle à jouer.
Et voici les paroles de Jésus concernant les hôtes :
« … afin qu'au moment où celui qui t'a invité arrive, il te dise: ‘Mon ami, monte plus haut.’ Alors tu seras honoré devant [tous] ceux qui seront à table avec toi. »
et …
« Lorsque tu organises un dîner ou un souper, n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni des voisins riches, de peur qu'ils ne t'invitent à leur tour pour te rendre la pareille. Lorsque tu organises un festin, invite au contraire des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles… »
Le rôle de l’hôte est d’inviter les autres, et même les rejetés, à entrer. Celui qui reçoit doit être en mesure de connaître les forces et les dons que chacun des invités possède, et chercher à installer ces invités aux places d’honneur. Jésus sait que nous avons tendance à nous sentir plus à l’aise avec ceux qui nous ressemblent, et nous pouvons donc souvent construire nos vies et nos ministères au sein de groupes d’affinité : nos amis, nos frères, nos proches parents, les personnes de même nationalité que nous … Jésus invite les hôtes à regarder au-delà de leur réseau habituel pour voir aussi ceux qui sont différents.
Les habitants du pays d’accueil sont les hôtes. Ils sont les seuls à pouvoir ouvrir la porte de leur culture aux missionnaires. Ce sont eux qui peuvent désigner à quelle chaise chaque missionnaire peut s’asseoir à la table, afin que chacun puisse donner sa meilleure contribution au travail dont le Royaume de Dieu a besoin dans ce pays. Les missionnaires peuvent et doivent apporter leur énergie supplémentaire, leur perspective et leurs dons à leur terre de mission. Et si ces richesses sont abandonnées à languir à la table des petits, alors c’est gâcher les ressources du Royaume. Les membres des églises doivent aussi chercher à comprendre et à découvrir les richesses que des personnes extérieures peuvent apporter à la table. Car ils peuvent eux aussi choisir l’humilité pour mieux reconnaître les brèches et les faiblesses que comportent leurs propres systèmes, et ainsi accueillir le missionnaire comme un envoyé de Dieu pour combler ces brèches.
Si le missionnaire s’installe dans un pays où il y a déjà une présence chrétienne, il doit se soumettre aux locaux. Nous sommes leurs invités. Ils sont nos frères et sœurs en Christ. Nous devons commencer par leur témoigner du respect, de l’admiration, de l’intérêt et notre capacité à nous laisser enseigner par eux. Nous devons établir une relation de confiance et d’amitié sincère. Nous avons besoin, oui vraiment, de nous asseoir à « la dernière place » jusqu’à ce que nous soyons invités à monter plus haut. Et nos hôtes doivent eux aussi apprendre à donner ces invitations.
Et s’il n’y a pas de présence chrétienne dans notre pays d’accueil ? Même dans ces cas-là, je dirais qu’il y a une période obligatoire d’observation, d’apprentissage, et d’écoute de la culture locale avant de se lancer dans la réalisation des nos objectifs … Quand Paul est arrivé à Athènes, il s’est imprégné de la culture avant de commencer à prêcher.
C’est pour cette raison que je travaille actuellement en France à la création d’une association multiculturelle qui accompagnera les missionnaires dans leur adaptation au terrain. Cette association s’appellera ELAN, et je vous en dirai plus dans les semaines et mois à venir. La vision de ce projet est née du désir de mon cœur de voir une plus grande collaboration et coopération pour l’avènement du Royaume de Dieu. Mais elle est ancrée dans la croyance que Dieu nous appelle à la communauté … autour d’une table … où l’étiquette a de l’importance.
Par Virginia LE BIHAN
Quand j’étais adolescente, ma famille est allée en thérapie. A l’occasion de notre première visite, le conseiller familial avait placé dans son bureau des chaises de taille et de confort variés. Lorsque nous sommes entrés, il a porté son attention sur la manière dont chaque membre de notre famille a choisi son siège. Avant qu’aucun de nous n’ait pu ouvrir la bouche, le conseiller était déjà capable d’analyser certaines dynamiques de notre famille rien qu’en observant la manière dont nous étions entré et nous étions installés. Moi par exemple, étant la plus jeune, j’ai souvent été reléguée à la table des petits ou sur une chaise pliante selon les contextes. Pour cette raison, bien que je fus la première personne à pénétrer dans son bureau, j’ai choisi le siège que j’ai perçu être le moins confortable.
Le conseiller en a pris note. Dans le chapitre 14 de l’évangile de Luc, on voit Jésus faire des observations similaires. Alors qu’il était invité dans la maison d’un Pharisien haut placé, et que les autres invités arrivaient, il remarqua comme ils entraient et prenaient les meilleures places à la table. Le maître sait reconnaître un moment d’enseignement quand il en voit un, et offrir une leçon d’étiquette, qui s’applique aux invités comme aux hôtes.
Récemment, j’ai été amenée à réfléchir à cette histoire à travers le prisme de la mission. En tant que missionnaires, nous sommes des invités. Les habitants du pays dans lequel nous nous rendons, les hôtes. Je pense que les remarques faites par Jésus en Luc sont pertinentes pour nous, primordiales même. Après avoir passé l’année dernière à étudier la productivité et la durabilité de la présence missionnaire, je décèle des connexions avec cette histoire biblique.
Le passage commence par Jésus remarquant «la manière dont les invités choisirent les places d’honneur ».
Quand j’ai lu ça, je me suis demandée « Jésus ne ferait-il pas la même observation des missionnaires arrivant sur le terrain ? » N’avons-nous pas tendance nous aussi à débarquer et à adopter des rôles de leaders ? Arrivons-nous avec un certain degré de suffisance ? Considérons-nous que ce que nous avons à offrir (l’Evangile !!!) nous donne le droit d’occuper des places d’importance et de plus grande visibilité ?
Nos motivations et notre hâte peuvent bien être saintes, mais notre manière de faire est douteuse et défaillante. Oui, nous avons reçu un appel. Oui, nous avons une mission à accomplir. Oui, nous avons un message à délivrer. Oui, nous avons une vision à offrir. Et pourtant, nous restons des invités. Et notre manière d’entrer va nécessairement impacter la façon dont notre message va être perçu.
Si nous arrivons en nous attendant à être écoutés, attendus pour répondre à un besoin, respectés, et valorisés ; si nous avons confiance dans nos ressources, nos outils, et nos objectifs, nous graviterons naturellement aux places les plus hautes. En tête de classe. Au devant de l’église. Nous serons tentés de dire à nos hôtes comment ils devraient gérer les choses, proposant des cours et des séminaires… comme si nous – les invités – devions servir le plat principal. Alors que ce n’est même pas notre maison. Pas notre fête. Pas chez nous. Alors comment devrions-nous entrer ?
« Lorsque tu es invité par quelqu’un à des noces, ne te mets pas à la meilleure place, de peur qu’il n’y ait parmi les invités une personne plus importante que toi et que celui qui vous a invité l’un et l’autre ne vienne te dire « laisse-lui la place ! » … Mais lorsque tu es invité, va te mettre à la dernière place … »
Que se passerait-il si les missionnaires arrivaient et prenaient la place la moins importante ? Pourrions-nous entrer en scène et servir ? Pourrions-nous offrir ce que nous avons en adoptant une posture plus humble ou d’égal à égal, plutôt que de manière supérieure ? Pensez à Jésus, le premier missionnaire interculturel, qui a choisi de naître dans une étable, a grandi comme un enfant quelconque, a été ministre auprès des pécheurs. Il aurait pu se positionner comme grand prêtre à la synagogue locale. Mais à la place, il a touché des lépreux, parlé à des femmes à la réputation ternie, lavé des pieds ! Je dirais que Jésus, de bien des manières, a pris la place la moins importante. Et c’est ainsi qu’il illustre la vérité de son message. Même lui est venu pour servir et non pour être servi (Marc 10 :45).
Jésus a donné un chemin exemplaire.
A mon avis, cela veut dire que moi aussi, je dois intervenir humblement, reconnaissante du privilège d’être ne serait-ce qu’invitée. Je dois me mettre en retrait, pour observer et apprendre discrètement. Ce qui ne veut pas dire attendre mon heure, jusqu’à ce que je puisse sauter dans l’arène. Ni attendre un moment de flottement dans une conversation pour enfin y prendre part et proposer mes idées. C’est mettre mes plans et mes objectifs de côté – pour un temps au moins. Observer et apprendre, c’est poser plus de questions et proposer moins de solutions.
En prenant le temps d’observer et d’apprendre, je pourrai m’émerveiller devant la sagesse et la perspicacité de mes hôtes. Je donnerai mon temps, mon énergie et mes ressources pour servir leurs projets. Je travaillerai à leur succès. Je prendrai conseil auprès d’eux. J’adopterai leur manière de faire les choses. Et c’est ainsi que je commencerai à voir les faiblesses et les défauts de mes propres plans. J’encouragerai mon hôte à me donner des retours, à m’aider à modifier, préciser, ou même abandonner certains objectifs. Jusqu’à ce que je sois invité à agir autrement, je resterai à la place la moins importante – à laver des pieds et à mourir à moimême.
Mais il y a une autre facette à cette histoire. L’hôte aussi a un rôle à jouer.
Et voici les paroles de Jésus concernant les hôtes :
« … afin qu'au moment où celui qui t'a invité arrive, il te dise: ‘Mon ami, monte plus haut.’ Alors tu seras honoré devant [tous] ceux qui seront à table avec toi. »
et …
« Lorsque tu organises un dîner ou un souper, n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni tes parents, ni des voisins riches, de peur qu'ils ne t'invitent à leur tour pour te rendre la pareille. Lorsque tu organises un festin, invite au contraire des pauvres, des estropiés, des boiteux, des aveugles… »
Le rôle de l’hôte est d’inviter les autres, et même les rejetés, à entrer. Celui qui reçoit doit être en mesure de connaître les forces et les dons que chacun des invités possède, et chercher à installer ces invités aux places d’honneur. Jésus sait que nous avons tendance à nous sentir plus à l’aise avec ceux qui nous ressemblent, et nous pouvons donc souvent construire nos vies et nos ministères au sein de groupes d’affinité : nos amis, nos frères, nos proches parents, les personnes de même nationalité que nous … Jésus invite les hôtes à regarder au-delà de leur réseau habituel pour voir aussi ceux qui sont différents.
Les habitants du pays d’accueil sont les hôtes. Ils sont les seuls à pouvoir ouvrir la porte de leur culture aux missionnaires. Ce sont eux qui peuvent désigner à quelle chaise chaque missionnaire peut s’asseoir à la table, afin que chacun puisse donner sa meilleure contribution au travail dont le Royaume de Dieu a besoin dans ce pays. Les missionnaires peuvent et doivent apporter leur énergie supplémentaire, leur perspective et leurs dons à leur terre de mission. Et si ces richesses sont abandonnées à languir à la table des petits, alors c’est gâcher les ressources du Royaume. Les membres des églises doivent aussi chercher à comprendre et à découvrir les richesses que des personnes extérieures peuvent apporter à la table. Car ils peuvent eux aussi choisir l’humilité pour mieux reconnaître les brèches et les faiblesses que comportent leurs propres systèmes, et ainsi accueillir le missionnaire comme un envoyé de Dieu pour combler ces brèches.
Si le missionnaire s’installe dans un pays où il y a déjà une présence chrétienne, il doit se soumettre aux locaux. Nous sommes leurs invités. Ils sont nos frères et sœurs en Christ. Nous devons commencer par leur témoigner du respect, de l’admiration, de l’intérêt et notre capacité à nous laisser enseigner par eux. Nous devons établir une relation de confiance et d’amitié sincère. Nous avons besoin, oui vraiment, de nous asseoir à « la dernière place » jusqu’à ce que nous soyons invités à monter plus haut. Et nos hôtes doivent eux aussi apprendre à donner ces invitations.
Et s’il n’y a pas de présence chrétienne dans notre pays d’accueil ? Même dans ces cas-là, je dirais qu’il y a une période obligatoire d’observation, d’apprentissage, et d’écoute de la culture locale avant de se lancer dans la réalisation des nos objectifs … Quand Paul est arrivé à Athènes, il s’est imprégné de la culture avant de commencer à prêcher.
C’est pour cette raison que je travaille actuellement en France à la création d’une association multiculturelle qui accompagnera les missionnaires dans leur adaptation au terrain. Cette association s’appellera ELAN, et je vous en dirai plus dans les semaines et mois à venir. La vision de ce projet est née du désir de mon cœur de voir une plus grande collaboration et coopération pour l’avènement du Royaume de Dieu. Mais elle est ancrée dans la croyance que Dieu nous appelle à la communauté … autour d’une table … où l’étiquette a de l’importance.
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